
Sans visage et maintenant sans voix. Trois ans après le retour au pouvoir des Taliban, les droits des femmes afghanes continuent de régresser.
Depuis ce samedi 26 octobre, les femmes ne peuvent plus entendre la voix d'autres femmes. Les Talibans durcissent une nouvelle fois les lois visant la liberté des femmes et des petites filles. Depuis le retour de ce régime, il y a trois ans, la situation ne cesse de se dégrader pour les Afghanes. En août 2024, les Talibans ont promulgué différentes lois les interdisant de se déplacer seules ou encore, de chanter en public.
Mohammad Khalid Hanafi, ministre taliban chargé de la Propagation de la vertu et de la Prévention du vice : « Si une femme n'est pas autorisée à prononcer le 'takbir' [la prière "Allahu Akbar prononcée lorsqu'on s'incline, NDLR], comment pourrait-elle être autorisée à chanter ? … Quand une femme adulte prie, si une autre femme passe à côté d'elle, elle ne doit pas parler trop fort pour ne pas être entendue. [...] Comment les femmes pourraient-elles chanter si elles ne sont pas autorisées à entendre les voix des autres femmes pendant la prière ? »
Samira Hamidi, chargée de campagne pour l'Asie du Sud à Amnesty International : « C'est une continuation de la violence systémique contre les femmes et les filles, un moyen supplémentaire de restreindre leur capacité à interagir entre elles »
Lina Rozbih, journaliste : « Après avoir interdit aux femmes de s'exprimer en public, le ministère taliban du Vice et de la Vertu leur interdit maintenant de se parler. Les mots me manquent pour exprimer ma rage et mon dégoût face aux mauvais traitements infligés aux femmes par les Taliban. Le monde doit agir ! Aidez les millions de femmes afghanes sans voix et sans défense. »
Les défenseurs des droits humains redoutent que cette interdiction oblige les femmes afghanes à ne plus communiquer entre elles, même dans des circonstances de la vie quotidienne. Les détails sur l’application de cette règle restent flous, mais la déclaration du ministre laisse entendre que de nouvelles restrictions seront "progressivement mises en œuvre" et que chaque étape de ce processus s’accompagnera d’un soutien divin. Parallèlement, les talibans interdisent toute représentation humaine à la télévision, limitant davantage les moyens de communication dans le pays. Arrivés au pouvoir en Afghanistan pour la première fois en 1996, les Taliban en ont été délogés en 2001 par l’intervention militaire de l’Otan. Après deux décennies de conflit et d’occupation du pays par les forces américaines, les Taliban ont fini par reprendre le contrôle de l'intégralité du territoire, imposant progressivement des restrictions strictes aux femmes. Depuis août, les femmes afghanes n’étaient déjà plus autorisées à chanter ou lire à voix haute en public. Si elles peuvent quitter leur domicile, elles ont l’obligation de couvrir leur visage avec un masque et veiller à ne pas être entendues, au risque d’encourir la prison.
Alors que les talibans présentent ces règles comme un retour à la vertu, leur interprétation de la religion est largement critiquée. En réalité, ces pratiques s’éloignent des fondements de l’islam, qui n’interdit pas aux femmes d’échanger entre elles ni de faire entendre leur voix. Ces règles relèvent de la vision spécifique des talibans, qui imposent leur propre interprétation pour contrôler et isoler les femmes.
PHOTO : Ebrahim Noroozi/AP/SIPA
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